On ne compte plus les articles parus depuis l’annonce des nouvelles règles hypothécaires entrées en vigueur le 17 octobre dernier. Observateurs et chroniqueurs y sont allés de leurs prédictions sur les conséquences qu’auront sur le marché les nouvelles exigences annoncées par Ottawa. Il a y eu une quantité impressionnante de désinformations et vous avez été nombreux à me questionner sur le sujet. Voici donc ma vision de la chose d’un point de vue d’un investisseur.
«Il me faudra 20% pour acheter»
D’entrée de jeu, précisons que c’est l’affirmation que j’ai le plus entendue dès les premiers jours de l’annonce, et encore hier, lors une discussion avec mon pompiste.
Il était convaincu qu’il ne pourrait jamais devenir propriétaire de sa maison, car il croyait dur comme fer qu’il devrait amasser l’équivalent de 20% en mise de fonds. Je l’ai rassuré en lui expliquant qu’il pourra devenir propriétaire d’une maison, d’un condo ou encore d’un duplex avec seulement 5% de mise de fonds, évidemmment, en ayant l’intention de l’habiter et en faisant assurer le prêt par l’un des trois assureurs hypothécaires au Canada.
«Cette croyance du 20% de liquidités requises deviendra très populaire auprès des futurs acheteurs mal informés. Je crois qu’un nouveau mythe verra le jour», nous raconte André Marcoux, courtier hypothécaire chez Multi-Prêts hypothèques.
L’impact sur le locatif
Puisque l’accès à la propriété sera plus difficile pour certains premiers acheteurs qui seront disqualifiés par les nouvelles règles, il faudra s’attendre à voir de plus en plus de Tanguy. Les jeunes resteront en effet plus longtemps chez leurs parents.
Qu’adviendra-t-il de vos locataires? Quel sort leur est réservé? De toute évidence, ils demeureront plus longtemps dans vos immeubles, ayant plus de difficultés à accéder à la propriété. Ce qui n’est pas une mauvaise chose en soi pour un propriétaire d’immeubles locatifs. En complément à cet aspect, voici un article écrit par Matthieu Charest dans Les Affaires relativement au marché locatif en 2017.
«C’est la fin des flips»
Pas du tout! Encore une autre affirmation que j’ai entendue souvent depuis trois semaines. Ce n’est pas parce que les acheteurs se verront amputer de 22% leur capacité d’emprunt que plus personne n’achètera de propriété pour y habiter. Se loger est un besoin essentiel et les «flippeux» répondrent très bien à ce besoin. Ils achètent à rabais, rénovent et dans la majorité des cas, revendent un produit relativement bien en terme de rapport qualité/prix.
Un conseil que je me permets de partager aux gens désireux de faire des flips est que vous devrez, comme je le dis depuis cinq ans déjà, opter pour des propriétés bas de gamme.
«Flippez» des propriétés de moins grande valeur. Elles seront plus faciles à acheter, exigeront moins de liquidités pour couvrir les frais de détention et pour exécuter les travaux, mais surtout, offriront l’avantage de rejoindre le plus d’acheteurs qualifiés, ce qui en mode flips n’est pas à négliger. Ceci est encore plus vrai depuis le 17 octobre dernier. Moins vos propriétés seront dispendieuses, plus vous aurez d’acheteurs potentiels qualifiés.
Un marché tiré vers le bas
Comme tout est cyclique en immobilier, ce qui monte redescend. C’est du moins ce qui aurait dû se produire depuis 2008. Le marché aurait dû baisser.
Or, ce n’est pas ce qui s’est produit en dépit des nombreux efforts du défunt ministre Jim Flaherty, qui a tenté à quelques reprises de mettre en place des mesures permettant de ralentir les ardeurs des acheteurs. Ça n’a définitivement pas eu l’effet escompté puisque le marché n’a cessé d’augmenter. Ces mesures ont peut-être toutefois permis d’éviter l’éclatement d’une bulle.
À mon avis, les nouvelles règles permettront réellement de ralentir davantage la hausse des prix, voir même faire baisser les valeurs des propriétés. Je lisais le mois dernier que les prix n’avaient que très peu augmenté et que certains économistes trouvaient cela inquiétant. Il y a quelques années, ils clamaient haut et fort que le marché devait ralentir, sinon une bulle allait éclater.
Augmentation des remises en espèces ?
Précisions d’abord en quoi consiste la remise en espèce. Offerte par certaines institutions financières, la remise en espèces consiste à recevoir de l’institution financière, un chèque chez le notaire, d’un pourcentage variant entre 4% et 7% du prêt accordé.
Cette technique, relativement répandue il y a quelques années, a connu un certain ralentissement depuis que la remise en espèce ne pouvait servir de mise de fonds à l’acheteur.
Or, avec l’arrivée des nouvelles règles qui fera en sorte que les acheteurs devront se qualifier sur le taux fixe d’un terme de 5 ans, c’est-à-dire de 4,64% au moment d’écrire cet article, il y a fort à parier que les institutions financières proposeront davantage le produit aux acheteurs afin que ces derniers récupèrent le 5% de la mise de fonds qu’ils auront déboursé pour faire l’acquisition de leur propriété. Une excellente façon d’acheter sans comptant qui sera de plus en plus populaire, selon moi.
Toujours moyens de tirer son épingle du jeu
Certes, les nouvelles règles ont créé un vent de panique et auront des retombées sur le marché immobilier, mais ceci ne veut pas dire pour autant que c’est la fin de l’immobilier. Restons calmes, les marchés s’adapteront.
Verrons-nous les mini-maisons prendre de plus en plus de place dans le marché? Assisterons-nous à une augmentation accrue d’investisseurs étrangers qui opteront davantage pour le marché montréalais plutôt que celui de Vancouver et de Toronto? Les banques mettront-elles en place de nouveaux produits?
L’avenir saura nous le dire.
Source : https://www.lesaffaires.com/blogues/yvan-cournoyer/immobilier–le-fameux-17-octobre-2016–et-puis-apres-/591344